[Amériques] Acceptabilité sociale des projets d’urbanisme (16 février 2024)

Il ne se passe pas une semaine sans que le débat public autour des projets de développement économique et social ne soulève l’enjeu de l’acceptabilité sociale  par rapport à ceux-ci. L’urbanisme et l’aménagement du territoire sont des domaines particulièrement touchés par cette injonction de l’acceptabilité sociale (AS). Or, il se pose un bon nombre de questions autour de cette notion qui sont loin d’avoir été toutes répondues de façon satisfaisante jusqu’à maintenant. Comment définir l’AS? Comment mesurer l’AS et à quelle échelle? Sous quel angle évaluer l’AS, du point de vue du contenu des projets ou du point de vue des processus décisionnels qui les gouvernent? Quelles sont les valeurs qui doivent être privilégiées dans la recherche de l’AS ? Comment faire de cet objectif de l’AS un moment rassembleur, plutôt que diviseur? C’est à ces questions, appliquées aux domaines de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, que nous avons demandé à nos panelistes de répondre et que nous vous convions à échanger avec eux.

Cette journée de travail s’est tenue le 16 février 2024 de 13h00 à 19h00, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle a permis de croiser les univers académiques et professionnels, avec les participations de Yann Fournis de l’Université du Québec à Rimouski et Stéphanie Yates de l’Université du Québec à Montréal puis les expériences partagées de Valérie Ebascher et Sylvain Ducas en tant qu’urbanistes expert.e.s.

Animation assurée par Sylvie Paré de l’UQAM, Jean-Philippe Meloche de l’Université de Montréal & Mario Carrier  de l’Université Laval

L’ensemble de la journée d’étude (supports et présentations) est accessible à cette adresse (lien direct)

Présentations

1. Sylvain Ducas œuvre comme urbaniste depuis plus de 40 ans, d’abord comme consultant dans le secteur privé, pendant près de 10 ans, puis à la Ville de Montréal de 1987 à 2018. Il y a occupé différents postes de direction en planification urbaine et en gestion de projets urbains et a été le Directeur de l’urbanisme de la Ville de Montréal de 2013 à 2018. Il a entre autres dirigé des équipes de projets urbains majeurs et a conduit des démarches d’élaboration de documents officiels de planification urbaine. Depuis, il poursuit sa carrière à titre de conseiller stratégique, au Québec et à l’étranger, auprès d’institutions publiques et de firmes privées, en planification métropolitaine et mobilité durable, ainsi qu’en gestion de projets urbains. Il accompagne notamment, l’Autorité régionale de transport métropolitain, depuis 2019, dans l’élaboration de plans et de projets majeurs de transport collectif dans la région de Montréal. Sylvain Ducas est membre émérite de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ) et de l’Institut canadien des urbanistes (ICU).

Résumé de la conférence :
certains projets urbains ou d’infrastructures de transport ont fait l’objet de controverses publiques au cours des années, mettant aussi en cause les démarches ou l’absence de démarche de participation publique permettant d’évaluer ou de construire l’acceptabilité sociale de ces projets. Ces démarches ne sont pas toutes équivalentes en matière de processus, malgré une expérience développée depuis une quarantaine d’années au Québec (BAPE, BCM, OCPM). La conférence dressera des pistes de réflexion sur la base de l’expérience de certains cas, en vue de construire ou d’établir une acceptabilité sociale. L’objet principal portera sur les liens à établir, en amont, entre des démarches continues de participation associées aux plans d’urbanisme, aux plans de secteurs ou aux politiques urbaines, et, ensuite, l’élaboration des projets urbains ou de transport et les démarches de participation publique sur ces projets.

2. Valérie Ebacher est urbaniste et titulaire d’un baccalauréat en urbanisme et d’une maîtrise en études urbaines de l’Université du Québec à Montréal, où elle a notamment tenu un rôle d’étudiante-chercheuse au sein de l’Observatoire des milieux de vie urbains. Depuis 2021, elle travaille comme conseillère en aménagement du territoire et en urbanisme chez Vivre en Ville. Elle s’intéresse particulièrement à l’aménagement de milieux de vie favorables à la santé, sobres en carbone et résilients ainsi qu’à l’adhésion aux transformations urbaines. Valérie a ainsi participé activement à la rédaction d’outils sur la participation publique en contexte de densification et contribue à l’organisation des activités de la communauté de pratique en mobilité durable, dont la première saison d’échanges porte sur les questions d’acceptabilité sociale.

Résumé de la conférence : les milieux bâtis sont en constante évolution : leur transformation est inévitable et souhaitable pour répondre aux besoins locaux de manière équitable et pour faire face à une situation de crises multiples. Ces transformations – la densification au premier chef – bousculent néanmoins la population, qui voit son environnement et ses habitudes se renouveler. Cette conférence adoptera un regard pratique sur la notion d’acceptabilité sociale, en explorant les réalités auxquelles elle renvoie sur le terrain ainsi que d’autres approches à considérer en matière d’adhésion en urbanisme et en aménagement. Une démarche urbanistique participative sera ensuite détaillée pour mobiliser la population et les organismes et pour réfléchir collectivement à la transformation de nos milieux de vie. Des exemples concrets seront mis en lumière

3. Yann Fournis est professeur de Science politique à l’Université du Québec à Rimouski (Département Sociétés, Territoires et Développement). Il est membre du groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement territorial, de l’Est du Québec (GRIDEQ), du Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT), et membre associé au Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES). Ses travaux de recherches portent sur le rôle des élus dans la gouvernance territoriale, les théories du développement territorial et les régions périphériques.

Résumé de la conférence : les territoires de l’acceptabilité sociale : les élus locaux et leurs communautés face aux grands projets. La notion d’acceptabilité sociale est devenue stratégique depuis une quinzaine d’années au Québec, afin de renouveler les modalités concrètes de mise en place des grands projets. Elle peut à la fois être considérée comme une revendication de la part de mouvements citoyens (qui exigent la reconnaissance d’une nouvelle condition à la mise en œuvre de projets), comme un instrument de politique publique mobilisé par les acteurs publics (qui cherchent à évaluer la pertinence ou à négocier la mise en œuvre d’un projet particulier) et comme la recherche de nouveaux processus de production d’un consensus par les communautés territoriales (qui mobilisent l’espace public local pour mener une délibération). Sous cette troisième perspective, la notion d’acceptabilité sociale devient un outil pour les acteurs locaux pour peser dans la redéfinition du développement, pour désamorcer un mal-développement conçu comme insoutenable pour la communauté, basé sur le forçage des processus décisionnels et sur des incertitudes sociotechniques problématiques. Concrètement, il s’agit de mettre en avant le rôle spécifique des élus locaux dans la régulation des débats autour de l’acceptabilité sociale des grands projets, qui rappelle la spécificité de leur mission (la mise en ordre du territoire) et de leurs outils (l’aménagement et l’urbanisme).

4. Stéphanie Yates est professeure titulaire au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), membre du Labfluens – Laboratoire sur l’influence et la communication et du Groupe de recherche en communication politique. Politologue de formation (Ph.D Université Laval 2010), elle est une spécialiste du lobbyisme, de l’acceptabilité sociale et des enjeux communicationnels qui s’y rattachent. Elle intervient régulièrement comme formatrice, consultante et experte sur ces questions. Ses recherches portent également sur la participation citoyenne et sur les stratégies de médiatisation des acteurs publics et privés lors de controverses sociotechniques, notamment en matière de santé, d’environnement et de transition écologique.

Résumé de la conférence : dans un contexte où l’acceptabilité sociale s’impose depuis 20 ans comme nouvel impératif de la réalisation des projets d’aménagement ou d’urbanisme sans que ses contours ne soient encore clairement définis, notre conférence vise à revenir aux fondements même de la notion : que signifie accepter et qu’accepte-t-on au juste? Qui doit accepter et par quels mécanismes cela peut-il se faire? Et enfin, qui décide de l’acceptabilité sociale d’un projet donné? Nous verrons, à travers plusieurs cas contemporains qui ont soulevé la controverse, que l’acceptabilité sociale relève d’une construction issue des dynamiques, acteurs et discours en présence, le concept pluriel de légitimité en constituant le socle. Nous conclurons en soutenant que s’il n’y a pas de recette qui permette de garantir l’acceptabilité sociale d’un projet, le respect de certains principes et une compréhension fine des dynamiques en présence peut permettre de mieux anticiper la trajectoire des projets sur le plan de l’acceptabilité.